Non, charmant Amour, je suis la Vérité même ; je ne suis que cela.
Bon ! Nous voilà deux divinités de grand crédit ! je vous demande pardon de vous avoir scandalisée, vous, dont l'honneur est de ne le pas être.
Ce reproche me fait rougir ; mais je vous rendrai raison de l'équipage où vous me voyez, quand vous m'aurez rendu raison de l'air libertin et cavalier répandu sur vos habits et sur votre physionomie même. Qu'est devenu cet air de vivacité tendre et modeste ? Que sont devenus ces yeux qui apprivoisoient la vertu même, qui ne demandoient que le cœur ? Si ces yeux-là n'attendrissent point, ils débauchent.
Tels que vous les voyez cependant, ils ont déplu par leur sagesse ; on leur en trouvoit tant qu'ils en étaient ridicules.
Et dans quel pays cela vous est-il arrivé ?
Dans le pays du monde entier. Vous ne vous ressouvenez peut-être pas de l'origine de ce petit effronté d'Amour, pour qui vous m'avez pris. Hélas ! c'est moi qui suis cause qu'il est né.
Comment cela ?
J'eus querelle un jour avec l'Avarice et la Débauche. Vous avez combien j'ai d'aversion pour ces deux divinités ; je leur donnai tant de marques de mépris, qu'elles résolurent de s'en venger.
Les méchantes ! et que firent-elles ?
Voici le tour qu'elles me jouèrent. La Débauche s'en alla chez Plutus, le dieu des richesses, le mit de bonne humeur, fit tomber la conversation sur Vénus, lui vanta ses beautés, sa blancheur, son embonpoint, etc. Plutus, à ce récit, prit un goût de conclusions, l'appétit vint au gourmand, il n'aima pas Vénus. Il la désira.
Le malhonnête !
Mais, comme il craignoit d'être rebuté, la Débauche l'enhardit, en lui promettant son secours et celui de l'Avarice auprès de Vénus. Vous êtes riche, lui dit-elle, ouvrez vos trésors à Vénus, tandis que mon amie l'Avarice appuiera vos offres auprès d'elle, et lui conseillera d'en profiter. Je vous aiderai de mon côté, moi.
Je commence à me remettre votre aventure.