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LES COULISSES DE L’ANARCHIE

journal anarchiste, Gardrat, fut condamné à deux ans de prison et trois mille francs d’amende pour crimes divers. Ce Gardrat, licencié ès-sciences, licencié ès-lettres, avait conservé quelques relations dans le monde bourgeois. Craignant une arrestation immédiate et momentanément impuissant à gagner la frontière, il fut demander asile chez un ancien camarade d’école aujourd’hui pourvu d’une situation officielle, M. D… Les deux condisciples ne s’étaient pas revus depuis douze ans, depuis le quartier latin. D… accueillit Gardrat et lui fit dresser un lit dans son salon. Vers deux heures du matin, le fonctionnaire fut réveillé en sursaut. Gardrat, une bougie à la main, se tenait debout devant lui et lui disait :

— Ce n’est pas tout ça… Je me suis aperçu que tu n’étais pas dans nos idées… Allume une cigarette ; je vais m’asseoir à côté de ton lit et je vais te convertir !…

— Ah ! s’écria D…, tu m’embêtes !

Vaine rhétorique. Gardrat traîna un fauteuil qu’il appuya à la table de nuit, et commença de prêcher la théorie du droit au vol et de la reprise individuelle.

— Ainsi, par exemple, disait-il en promenant ses regards sur le mobilier assez luxueux de son sauveur, toi tu possèdes beaucoup trop. Moi, beaucoup trop peu. C’est injuste. J’ai le droit de m’emparer ici même de ce qui m’est nécessaire.

— Je voudrais bien voir….

— Oh ! sois tranquille. Je ne volerai pas une allu-