Page:Flor O’Squarr - Les Coulisses de l’anarchie.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
MONOGRAPHIE DE L’ANARCHISTE

soutenir, et elle provoquerait même cette lutte, malgré la leçon de Fourmies qui lui a prouvé que ses journaux la trompaient lorsqu’ils lui répondaient de l’armée. L’ouvrier, l’anarchiste de nos jours, n’a peur que des chefs, des penseurs, des écrivains de l’anarchie.

On a si souvent trompé l’ouvrier, on l’a si souvent conduit aux barricades verser son sang au profit des politiciens qu’il se demande au profit de qui il se battra le jour où il ira au feu pour l’anarchie contre la bourgeoisie. Le travailleur étant le nombre, le bourgeois une minorité infime, le résultat d’un choc ne serait assurément pas douteux. Chaque fois que le peuple a voulu jeter bas son maître, chaque fois qu’il l’a voulu sérieusement, en s’immolant, il y a réussi. Cette fois encore, il le sait, la victoire lui appartiendrait. Mais après ? Mais au profit de qui ? Si ce devait être uniquement pour changer de maître, à quoi bon se faire massacrer, risquer encore la prison, Nouméa, Cayenne ? Ah ! si l’on était sûr des gros bonnets du parti !

Il y a deux mois, à Charonne, un serrurier « anarcho » m’a très nettement traduit ce sentiment-là :

— Moi ? aller me faire casser la gueule pour que Reclus devienne président de la République à la place de Carnot ?… Pas si bête ! On me l’a déjà faite !

Tous en sont là. Ils se défient aujourd’hui uniquement de ceux en qui ils pressentent des maîtres futurs, de ceux qui se trouveraient tout indiqués,