Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/106

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Le peu de mots que M. David m’avait dits sur le compte du Français, propriétaire dans cette île du Cap-Vert, me donnait envie de causer avec lui. C’était un petit homme aux membres trapus, aux traits anguleux, au teint basané, aux cheveux noirs, épais et tombant lisses sur les tempes. Sa mise ressemblait à celle d’un de nos paysans endimanchés. Je l’abordai avec des paroles affables, comme on est porté d’en adresser à un compatriote que l’on rencontre loin de son pays.

M. Tappe (c’était son nom) se montra sensible à ces marques d’intérêt, et, quoiqu’il ne fût pas d’un naturel très causeur, je vis qu’il se laisserait aller volontiers à me raconter son histoire.

Il y avait quatorze ans que M. Tappe était établi aux îles du Cap-Vert.

Je lui demandai comment il avait choisi une terre aussi aride.

— Mademoiselle, me répondit-il, ce n’est pas moi qui l’ai choisie ; mais Dieu, dans ses incompréhensibles décrets, a voulu que je demeurasse sur cette terre de misère et d’aridité. Dès mon enfance, mes parents me destinèrent au saint ministère des autels ; je fus élevé au séminaire de