Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la Passe, auprès de Bayonne ; le zèle religieux dont mon âme était embrasée me fit distinguer de mes chefs. Par la chute de l’usurpateur et le rétablissement de la royauté, notre sainte religion avait repris sa toute-puissance, et en 1819, il fut décidé qu’on choisirait, dans tous les séminaires de France, les sujets qui montreraient le plus de dévouement pour la propagation de la foi, afin de les envoyer en mission sur différents points du globe y convertir les peuplades sauvages vouées à l’idolâtrie. Je fus un de ceux désignés, et nous partîmes pour nous rendre où notre apostolat nous appelait. Notre bâtiment ayant eu, ainsi que le vôtre, besoin de réparations, nous relâchâmes dans le port de la Praya.

Pendant que nous étions mouillés en rade, j’allai à terre, où je me liai avec un vieux Portugais ; celui-ci me mit au courant de toutes les ressources que pouvait offrir le pays. Je vis qu’avec très peu d’argent il était possible d’y faire une fortune rapide. Je pris, d’après cela, le parti de changer ma destination, et me décidai à rester sur cette côte. Mais, hélas ! Dieu, dont je respecte les décrets, n’a pas permis que mes espérances se réalisassent, et depuis quatorze ans je végète de la manière la plus pénible.