Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/114

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pouvons contenir, sort par tous nos pores. Cet homme me représentait une bête fauve. Quand il se fut bien gorgé, ses traits reprirent peu à peu leur expression ordinaire, qui était de n’en avoir aucune, et il recommença à me parler sur le même ton qu’avant le dîner.

— Votre capitaine, mademoiselle, vient de nous donner un bien bon dîner. Manger, voilà la vie : et moi, dans cette île de misère, je suis privé de cette vie-là.

— Vous n’avez donc rien à manger dans cette île ?

— Nous n’avons que du mouton, de la volaille, des légumes, du poisson frais et des fruits.

— Mais il me semble qu’avec toutes ces choses ; on doit avoir un ordinaire très convenable.

— Oui, si l’on avait un cuisinier et tout ce qu’il faut pour préparer les mets ; mais on n’a rien de tout cela.

— Pourquoi ne dressez-vous pas une de vos négresses à faire la cuisine.

— Ah ! mademoiselle, on voit bien que vous ne connaissez pas la race noire. Ces misérables créatures sont si méchantes, qu’il m’est im-