Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/117

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un bon prix ; et puis elle pourra trouver un autre mari qu’elle servira pour la nourriture ; c’est une superbe fille qui n’a que vingt-six ans.

— Mais, monsieur Tappe, cette fille est votre femme devant Dieu : elle est mère de vos enfants et vous laisserez tous ces êtres à la merci de qui voudra les acheter sur la place publique ?… c’est une action atroce !!!…

— Mademoiselle, c’est une action comme il s’en commet de semblables chaque jour dans notre société.

J’étais devenue pourpre, tant l’indignation me suffoquait. M. Tappe s’en aperçut ; il me regarda avec étonnement, marmota encore quelques phrases latines, et me dit, avec un sourire méchant :

— Mademoiselle, vous êtes encore bien jeune ; je crois m’apercevoir que vous avez peu vu le monde, je vous engage à le voir davantage, car il est bon de savoir avec quels gens on vit, autrement on est la dupe de tous.

Après le dîner, M. Tappe retourna à la ville : quand je me retrouvai seule avec M. David, il me dit : — Hé bien ! que pensez-vous de l’élève de ces messieurs, du célèbre séminaire de la Passe ?