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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/159

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la main et me dit avec affection : — Que voulez-vous, chère demoiselle ? il faut prendre le monde comme il est ; mais je désirerais, ainsi que je vous le disais à la Praya, vous voir connaître ce monde au milieu duquel vous êtes destinée à vivre, afin d’éviter d’y être dupe, méconnue, ridiculisée même, et, en définitive malheureuse. Votre candeur sera prise pour de l’hypocrisie, on se servira de vous comme d’un instrument, et vous serez délaissée lorsque vous ne pourrez plus être utile. La douleur entrera alors dans votre cœur bon et sensible, vous vous y laisserez aller avec toute la violence de votre imagination ; le désespoir même s’emparera de vous, et vous userez dans la lutte, et par de continuelles déceptions, cette richesse d’organisation dont la nature vous a douée.

— Je vous remercie, mon cher monsieur, de vos avertissements et de vos conseils. Je crois avec vous que c’est un grand tort de ne pas connaître le monde, et, quelque pénible que me soit cette étude, je vous promets d’y apporter désormais une attention suivie ; c’est une nécessité à laquelle il faut se résoudre ; les raisons que vous venez de me donner, afin de m’y