Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/199

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agités, je vinsse à ne plus contenir mon indignation contre les lois qui, en France, régissent le mariage. J’appréhendais enfin de me trahir ; cette crainte me mettait dans des transes perpétuelles, me faisait comprimer l’élan de ma pensée, me tenait silencieuse, et je ne répondais que brièvement aux interpellations.

Mon tempérament sanguin augmentait l’embarras de ma situation, et j’ai souvent regretté que notre volonté ne pût s’exercer sur l’ouïe comme sur la voix. À la moindre parole, à l’inflexion qui lui était donnée, à un regard même, je rougissais à un tel point, que j’attirais l’attention de tous ces messieurs. J’étais au supplice, je craignais que ma pensée intime ne se fût dévoilée ou ne fût mal interprétée. M. Chabrié, seul, comprenait parfois ces rougeurs subites : il faisait tout ce qu’il pouvait pour me les éviter ; mais la malice et les taquineries de M. David, la franchise sans frein de M. Briet, les questions un peu indiscrètes de M. Miota, tout cela me torturait de la manière la plus pénible.

Je viens d’exposer la vie que nous passions sur le Mexicain ; cette vie de bord, ordinairement d’une si fatigante monotonie, était variée par la diversité de nos caractères, de nos positions so-