Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/213

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La nuit, je ne pus dormir. Un pressentiment confus, une voix mystérieuse me disait qu’un nouveau malheur allait peser sur ma tête. À toutes les grandes crises de ma vie j’ai eu de semblables pressentiments. Je crois que, lorsque nous sommes réservés à de grandes peines, la Providence nous y prépare par de secrets avertissements auxquels nous serions plus attentifs si nous n’étions constamment séduits par notre vaine raison, qui nous trompe sans cesse et nous entraîne toujours. Après avoir fait mille suppositions, je mis tout au pis ; je me représentai ma bonne-maman morte, mon oncle me repoussant, et moi, seule, à quatre mille lieues de mon pays, sans appui, sans fortune, sans nulle espérance. Cette situation avait quelque chose de tellement effroyable, que son horreur même releva mon courage, me donna la conscience de moi-même, et j’attendis l’événement avec résignation.

Le lendemain, M. Miota revint me voir vers midi. Aussitôt qu’il parut, je lus sur ses traits qu’il avait une sinistre nouvelle à me donner. Ma grand’mère est morte !… lui dis-je. Il voulut prendre des ménagements pour me l’annoncer ; mais le coup était porté : elle était morte le jour