Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/223

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Quand on a eu un chez soi, c’est difficilement qu’on se décide à aller vivre, dans la dépendance, chez les autres ; cependant madame Aubrit eût de suite recommencé à être demoiselle de magasin, si elle n’eût espéré mieux. Elle avait une très jolie voix ; on lui conseilla de débuter sur un théâtre, et elle débuta, en effet, aux Variétés. Mais une jolie voix ne suffit pas pour réussir sur la scène ; il faut, de plus, chanter avec méthode ; et, quoique assez jeune pour apprendre la musique elle ne pouvait, sans pain, se livrer à cette étude, ayant à travailler chaque jour pour subvenir à ses besoins. Elle traîna ainsi deux ans sa pénible existence soit comme dame de compagnie, demoiselle de comptoir, ou travaillant dans sa chambre, chagrine, découragée, malade et sans personne qui versât dans son cœur quelques paroles de consolation. Dans l’hôtel garni où elle demeurait, elle fit connaissance d’un jeune homme, auquel elle confia sa triste position : celui-ci, n’étant guère plus heureux qu’elle, lui proposa de partir avec lui pour l’Amérique du sud. La malheureuse, qui se sentait à bout, ne pouvant plus lutter contre la misère et la solitude, y consentit. Ce jeune homme était une connaissance