Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/237

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mon voile et en murmurant adieu ! adieu ! j’invoquais la mort.

Nous montâmes à bord du Léonidas, où nous trouvâmes une foule immense d’Anglais et d’Américains qui venaient accompagner leurs amis. M. David, après m’avoir fortement recommandée au capitaine, me conduisit à ma cabane avec le stuard[1] qu’il engagea à me servir avec zèle ; tous deux se mirent à m’aider à ranger mes effets et à disposer ma cabane. Ensuite M. David me prenant à part, me dépeignit la manière d’être des étrangers avec qui j’allais vivre, afin que je me tinsse en garde contre des hommes envers lesquels une femme doit être plus que réservée si elle veut être respectée. Il y avait dans la chambre plusieurs Anglais ou Américains assis autour d’une table et buvant du grog. Je devins le point de mire de tous ces étrangers : ils causaient en anglais et je voyais qu’ils me prenaient pour sujet de conversation. Leurs ricanements, leurs regards effrontés me faisaient soulever le cœur. Je sentis combien j’étais seule au milieu de ces hommes, aux vices immondes, qui méconnaissaient les égards

  1. Le stuard est, à bord des bâtiments anglais le domestique qui sert la chambre.