Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/241

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Le capitaine était un de ces Américains du nord, dont l’esprit est circonscrit dans la profession qu’ils ont embrassée. Lourd, matériel, la bonté résultait, chez lui, du tempérament plutôt que de l’éducation. Je lui avais été particulièrement recommandée, à Valparaiso, par les consignataires de M. Chabrié : il avait pour moi le plus grand respect et toutes les complaisances et attentions que son imagination pouvait lui suggérer. Nous devînmes de suite bons amis, autant que nous pouvions le devenir en parlant des langues différentes, lui, l’anglais seulement, et moi, le français et l’espagnol, qu’il ne comprenait.

Il y avait trois passagers américains, outre le docteur. Un d’eux était un homme assez commun, et ne parlait ni le français ni l’espagnol : puis un jeune homme de dix-neuf ans, d’un très joli physique, d’une humeur sombre et mélancolique, il était atteint du spleen : on lui faisait faire un voyage aussi long uniquement dans l’espoir de le guérir ; mais c’est en vain qu’il avait passé sous toutes les latitudes du globe ; il languissait toujours, nulle amélioration ne se manifestait dans son état : il semblait aspirer à une autre vie et n’être venu dans ce monde