Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/248

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trés. Nous fûmes bien contrariés de ne pouvoir juger de l’aspect de la contrée. Le docteur et moi éprouvions une vive impatience de la voir : agités par cette curiosité, nous veillâmes fort avant dans la nuit : nous faisions des conjectures sur la nature d’un pays que nous étions dans l’anxiété de connaître, tout en causant de nos projets respectifs. Le docteur se leva avant le jour, tant le désir de voir le tourmentait. Il revint dans la chambre ; je ne dormais pas et le voyais à travers mes persiennes ; le pauvre homme me parut entièrement démoralisé : il pleurait ; cela m’en disait assez sur le pays. Peu de moments après, le docteur, n’y tenant plus, s’approcha de ma porte et me dit — Ma payse, dormez-vous ?

— Non, lui dis-je.

— Ah ! si vous saviez, mademoiselle, dans quel horrible désert nous sommes ! c’est affreux ! Pas un arbre, pas de verdure, rien que du sable noir et aride et quelques cabanes en bambou. Mon Dieu ! mon Dieu ! que vais-je devenir ?…

— Docteur, il faut en prendre son parti : le vin est tiré il faut le boire. Vos pleurs, vos regrets, vos malédictions ne sauraient y faire