Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/255

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mère passa en Espagne avec une dame de ses parentes.

Ces dames allèrent s’établir à Bilbao ; mon père se lia avec elles, et de cette liaison naquit bientôt entre lui et ma mère un amour irrésistible qui les rendit nécessaires l’un à l’autre. Ces dames rentrèrent en France en 1802 ; mon père ne tarda pas à les y suivre. Comme militaire, votre frère avait besoin de la permission du roi pour se marier : ne voulant pas la demander (je respecte trop la mémoire de mon père pour chercher à deviner quels purent être ses motifs), il proposa à ma mère de s’unir à elle seulement par un mariage religieux (mariage qui n’a aucune valeur en France). Ma mère, qui sentait que désormais elle ne pourrait vivre sans lui, consentit à cette proposition. La bénédiction nuptiale leur fut donnée par un respectable ecclésiastique M. Roncelin, qui connaissait ma mère depuis son enfance. Les époux vinrent vivre à Paris.

« À la mort de mon père, M. Adam, de Bilbao, depuis député aux Cortès, et qui avait connu ma mère soit en Espagne ou en France, comme l’épouse légitime de don Mariano de Tristan, lui envoya un acte notarié et signé de plus de dix personnes qui, toutes, attestaient l’avoir connue sous le même titre.

« Vous savez qu’alors mon père n’avait pour toute fortune que la rente de 6,000 francs, que son oncle, l’archevêque de Grenade, lui avait laissée à titre d’aîné de la famille des Tristan. Il reçut aussi quelques sommes que vous lui envoyâtes ; mais les plus considérables ont été perdues : 20,000 francs furent pris par les Anglais, et 10,000 sautèrent avec le vaisseau la Minerve. Néanmoins, grâce à l’économie de ma mère, mon père menait une vie fort honorable. Treize mois avant sa mort,