Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/294

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nous égarer, de mourir de faim et de soif au milieu de ces vastes solitudes. Le docteur se répandait en lamentations pitoyables, et don Balthazar, d’un caractère très gai, le plaisantait de la manière la plus bouffonne. Nous nous en remîmes à l’instinct de nos bêtes : les muletiers, dans pareilles circonstances, n’ont pas d’autre boussole et c’est la plus sûre.

Autant, dans cette pampa, les journées sont brûlantes par l’ardeur du soleil et la réverbération du sable, autant les nuits y sont froides par l’influence de la brise qui a traversé les neiges des montagnes. Le froid me fit beaucoup de bien ; je me sentis plus forte ; la douleur de tête diminua, et je pressai mon cheval avec une vigueur qui étonna ces messieurs ; deux heures auparavant, j’étais à la mort, et, maintenant, je me sentais de la force. Je n’avais pas été dupe de la déception que don Balthazar cherchait à exercer sur moi, en m’indiquant une étoile comme étant la lanterne du tambo, et ce fut moi qui vis avant tous la véritable lanterne. Ah ! quelle sensation ineffable de joie cette vue me fit éprouver ! Ce fut celle du malheureux naufragé qui, prêt à succomber, aperçoit un navire venant à son secours. Je poussai