Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/330

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de tout le Pérou. Son pied est une miniature, un amour de pied, l’idéal qu’on rêve et que je me plais encore à contempler. Qu’on imagine un pied long de six pouces seulement, étroit en proportion, d’une forme parfaite, le cou-de-pied bombé, la jambe fine, déliée dans le bas, et, ce qui est extraordinaire, vu l’extrême maigreur de dona Carmen, son pied et sa jambe sont gras et potelés. Ce joli petit pied, plein de grâce et de physionomie, est toujours chaussé d’un beau bas de soie rosé gris ou blanc avec un élégant soulier en satin de toutes couleurs. Dona Carmen porte ses robes très courtes ; elle a raison, son pied est trop admirable pour qu’elle cache ce petit chef-d’œuvre de la nature. Elle est très coquette, et se met avec goût ; sa mise cependant est plus jeune que son âge ne le comporte.

Ma cousine est d’un caractère très remarquable ; elle n’a point reçu d’éducation, mais s’en est donné elle-même et comprend tout avec une admirable intelligence. La pauvre femme perdit sa mère dans son enfance, et, dès lors, le malheur commença pour elle. Élevée par une tante dure et altière, sa vie devint si misérable, que, voulant se soustraire au joug, et