Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/343

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s’écria-t-elle avec un accent de fureur concentrée ; et dire que je suis condamnée à y demeurer !

— Ma cousine, s’il vous est aussi exécrable, pourquoi y restez-vous ?

— Pourquoi Florita ! par l’ordre de la plus dure des lois, celle de la nécessité. Tout être privé de fortune dépend d’autrui, est esclave, et doit vivre où son maître l’attache.

Et ma cousine grinça des dents avec un mouvement de révolte qui me prouva qu’elle n’était pas organisée pour l’esclavage.

Je la regardai et lui dis, avec un sentiment de supériorité dont je ne pus comprimer l’expression : — Cousine, j’ai moins de fortune que vous : j’ai voulu venir à Aréquipa, et m’y voici !

— Et qu’en concluez-vous ? me demanda-t-elle avec un mouvement de jalousie.

– Que la liberté n’existe réellement que dans la volonté. Ceux qui ont reçu de Dieu cette volonté forte qui fait surmonter tout obstacle sont libres ; tandis que ceux dont le faible vouloir se lasse ou cède devant les contrariétés sont esclaves, et le seraient lors même que la bizarre fortune les placerait sur le trône.