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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/344

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Ma cousine ne sut que répondre : elle sentait instinctivement que j’avais raison. Cependant elle ne pouvait s’expliquer ce qui me donnait la force de tenir un pareil langage. Elle me regarda longtemps en silence, soufflant la fumée de son cigare en festons et dessins fantastiques, que je suivais machinalement de l’œil. Tout à coup, se levant brusquement, elle dit avec humeur : – Dieu me pardonne, Florita, vous aussi vous me faites peur. Où donc irai-je me réfugier ? Je n’ose rentrer chez moi, de crainte que ma maison ne me tombe sur la tête ; et, par la sainte Vierge, je n’ose rester assise auprès de vous à vous entendre prononcer, d’un air calme, des paroles dont frémirait un moine, et qui vous feraient prendre pour folle…

– Vraiment chère cousine ? Ah ! n’ayez point peur : venez vous asseoir là, tout auprès de moi, que je puisse me cacher sous votre mantille, et puis dites-moi donc pourquoi vous me prenez pour une folle ?

– Mais, chère Florita, vous prétendez qu’il suffit d’avoir une ferme volonté pour être libre ; et c’est vous, chétive femme, esclave des lois, des préjugés, sujette à mille infirmités, d’une