Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/361

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le lendemain, j’eus donc une nuit et un jour de plus pour raffermir ma résolution et me préparer à le recevoir. Le samedi, vers huit heures du soir, comme j’étais à me promener dans le salon de ma cousine, tout en causant philosophie avec elle, selon notre habitude, je vis entrer Chabrié !… Il vint à moi, me prit les mains, qu’il serra et baisa avec tendresse, tandis que de grosses larmes tombaient dessus à gouttes précipitées. Heureusement qu’il faisait nuit : ma cousine, placée à l’extrémité du salon, pouvait voir ses gestes, mais non ses pleurs. Je l’emmenai à mon appartement : là il fut incapable de contenir sa joie, et, chez lui, la joie, comme la douleur, se manifestait par des larmes. Il était assis près de moi, me serrait les mains, jetait sa tête sur mes genoux, touchait mes cheveux et répétait avec un accent d’amour qui faisait vibrer jusqu’à ma dernière fibre :

— Oh ! ma Flora ! ma chère Flora ! je vous revois donc enfin ! Mon Dieu, que j’avais soif de vous voir ! Ma chérie, parlez-moi, je veux entendre votre voix. Dites-moi que vous m’aimez, que je ne suis pas la dupe d’un songe. Oh ! dites-le-moi, laissez-moi l’entendre ! Ah ! j’étouffe !…