Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/426

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à ces animaux une expression de noblesse et de sensibilité qui commande le respect. Il faut bien qu’il en soit ainsi, puisque les llamas sont les seuls animaux au service de l’homme que l’on n’ose pas frapper. S’il arrive (chose bien rare) qu’un Indien dans sa colère, veuille exiger par la force ou même la menace ce que le llama ne veut pas faire de bonne volonté, dès que l’animal se sent rudoyer de paroles ou de gestes, il redresse sa tête avec dignité ; et, sans chercher à fuir pour échapper aux mauvais traitements (le llama n’est jamais attaché ou entravé), il se couche, tourne ses regards vers le ciel : de grosses larmes coulent en abondance de ses beaux yeux, des soupirs sortent de sa poitrine, et dans l’espace d’une demi-heure ou trois quarts d’heure au plus, il expire. Heureuses créatures ! qui se dérobent, avec tant de facilité, à la souffrance par la mort. Heureuses créatures ! qui semblent n’avoir accepté la vie que sous la condition qu’elle serait douce ! Ces animaux, offrant le seul moyen de communication avec les Indiens des montagnes, sont d’une grande importance commerciale ; mais on serait tenté de croire que la révérence presque superstitieuse dont ils sont l’objet ne part pas uniquement du sentiment de