Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/43

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de manquer mon voyage en le différant, et ce que je ne cessais d’entendre sur le compte des capitaines de navire n’était guère de nature à me rassurer sur le degré de confiance que je devais accorder au capitaine du Mexicain. Je ne pouvais résister davantage aux instances de mon parent, que pressait M. Chabrié pour connaître ma détermination, afin de pouvoir disposer, si je ne partais pas sur son navire, de la cabane qu’il m’y destinait. Quand je me suis trouvée dans des positions embarrassantes, je n’ai jamais pris conseil que de mon cœur. J’envoyai chercher M. Chabrié qui, aussitôt qu’il entra, me reconnut et fut surpris. J’étais émue : dès que nous fûmes seuls, je lui tendis la main : — Monsieur, lui dis-je, je ne vous connais pas, cependant je vais vous confier un secret très important pour moi, et vous demander un éminent service. — Quelle que soit la nature de ce secret, me répondit-il, je vous donne ma parole, mademoiselle, que votre confiance ne sera pas mal placée ; quant au service que vous attendez de moi, je vous promets de vous le rendre, à moins que la chose ne soit tout à fait impossible. — Oh ! merci, merci, lui dis-je, en lui serrant la main fortement, Dieu vous récompensera du bien que vous me faites. L’expression et l’accent de vérité de M. Chabrié m’avaient de suite convaincue que je pouvais m’en reposer sur lui. Ce que je vous demande, continuai-je, c’est tout simplement d’oublier que vous m’avez connue à Paris sous le nom de dame et avec ma fille ; je vous en expliquerai la raison à bord. Dans deux heures je vais aller visiter votre navire ; je choisirai ma cabane, M. Bertera en réglera le prix avec vous, et, jusqu’au départ, ne parlez de moi que comme si vous m’aviez vue aujourd’hui pour la première fois … M. Chabrié