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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/432

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noir, telle était la toilette du jeune diplomate. Si, en le voyant, on avait peine à distinguer à quel sexe il appartenait, en l’écoutant la chose devenait plus perplexe encore. Sa voix avait un charme inexprimable ; ses yeux se baissaient avec une candeur qu’il est bien rare de rencontrer dans un homme. Sa conversation était bizarre, très variée et remplie de traits d’originalité ; il professait pour toutes les dames une admiration qui le dispensait d’avoir de l’amour pour aucune. – D’ailleurs, disait-il, je ne crois plus à l’amour. – Il avait vingt-deux ans : oui, vingt-deux printemps seulement avaient passé sur cette tête encore imberbe, et dans si peu de temps le moral avait atteint la décrépitude. Le jeune vicomte ressemblait à ces vieillards qui ont épuisé la vie et n’ont plus rien à apprendre en restant sur la terre. Déjà il avait été attaché aux ambassades de Naples et d’Angleterre, et avait eu, dans ces deux pays, de ces grandes aventures amoureuses qui, blasant le cœur, tarissent la source des plus chères illusions. Avide de sensations nouvelles, il éprouvait un besoin incessant de voir. À peine arrivé à Rio-Janeiro, il avait voulu voir au delà. Les glaces du cap Horn avaient tenté sa curiosité, et, sans