sur ma poitrine. J’aimais à sortir avec lui, et, presque tous les soirs, nous allions faire de longues promenades pendant que mon vieux parent faisait la sieste. De son côté, M. Bertera recherchait avec empressement toutes les occasions de m’être agréable ; son affection pour moi se montrait dans les plus petites choses.
Je n’ai de ma vie balancé un instant à sacrifier une jouissance personnelle au plaisir plus vif pour moi de contribuer à rendre heureux ou à garantir de peine ceux que j’aimais réellement. La sincérité de l’affection que me portait M. Bertera me donnait la conviction qu’il aurait ressenti ma douleur si je lui avais confié le secret de ma cruelle position, et l’impossibilité de la changer eût encore augmenté sa peine. Ensuite la fausse position dans laquelle me mettait le mensonge que m’imposaient les préjugés de la société m’était trop pénible pour consentir à faire supporter à un homme que j’aimais et auquel j’avais tant d’obligations une portion quelconque des conséquences que pouvait avoir ce mensonge. Je retins mon secret ; j’eus le courage de me taire quand j’étais sûre de rencontrer dans le cœur de ce jeune homme une vive sympathie pour mes malheurs. Je fis ce sacrifice à l’amitié que je lui avais jurée, et de Dieu seul j’en attends la récompense.
Je partis, recommandant ma fille à mademoiselle de Bourzac et au seul ami que j’eusse ; tous deux me promirent de l’aimer comme leur enfant, et j’emportai la douce et pure satisfaction de ne laisser aucun pénible souvenir après moi.