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n’en pas voir. Je devins si froide avec ceux de mon oncle et ceux d’Althaus, que ces pauvres petits êtres n’osaient plus me parler ni même me regarder. Cette maison où était né mon père, qui aurait dû être mienne, et où cependant j’étais considérée comme une étrangère, irritait toutes les plaies de mon cœur ; la vue de ses maîtres rendait constamment présente à mon esprit l’odieuse iniquité qu’impitoyablement ils commettaient envers moi. Le prix de leur hospitalité m’était amer, et il n’y avait ni peines ni dangers auxquels je ne m’exposasse pour quitter l’antre où j’avais été si cruellement spoliée. La France ne s’offrait à ma pensée qu’avec toutes les douleurs que j’y avais éprouvées.… Je ne savais où fuir ni que devenir ! Je n’entrevoyais d’asile ni de repos nulle part sur la terre. La mort, que pendant longtemps j’avais crue prochaine et attendue comme un bienfait de Dieu, s’était refusée à mes vœux et ma santé raffermie ; pas de perspectives à mes espérances ; pas une personne dans le sein de laquelle je pusse épancher ma douleur. Une sombre mélancolie s’était emparée de moi ; j’étais silencieuse et méditais les plus sinistres projets. J’avais pris la vie en aversion ; elle était devenue