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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/106

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un fardeau dont le poids m’accablait. C’est dans ces circonstances que j’eus à lutter contre une violente tentation de me détruire. Je n’ai jamais approuvé le suicide : je l’ai toujours considéré comme le résultat de l’impuissance à supporter la douleur ; le mépris de la vie, quand on souffre, me paraît si naturel, que je n’ai jamais pu envisager cette action que comme celle d’un lâche ; mais la souffrance a ses colères, et l’intelligence est quelquefois bien faible pour y résister, quand elle n’a pas la foi pour appui. Je croyais alors à la raison humaine ; loin de marcher dans la vie, résignée à tout, recherchant dans les événements la voie que la Providence m’avait destinée, j’espérais ou me laissais aller à la douleur, selon que l’avenir me paraissait serein ou chargé d’orages. J’eus de rudes combats à soutenir pour surmonter ce dégoût de la vie, cette soif de mourir : un spectre infernal me peignait incessamment tous les malheurs de mon existence passée, tous ceux qui m’attendaient encore, et dirigeait contre mon cœur sa main homicide. Je passai huit jours et huit nuits dans ces étreintes de la mort, et constamment sur mon corps je sentais ses mains glacées. Enfin je sortis de ce long dé-