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avaient le cigare à la bouche, et la lumière blafarde qui pénétrait l’atmosphère de fumée donnait à ces physionomies quelque chose d’infernal. Le moine ne jouait pas, il se promenait à pas lents, s’arrêtait par moments devant ces hommes, et, se croisant les bras, il semblait dire : Que puis-je espérer de pareils instruments ! A sa longue robe noire, à l’expression de ses traits, au lieu où il se trouvait, on l’eût pris pour le génie du mal, s’indignant des obstacles que les vices apportent dans la carrière du crime ; les muscles de son visage se contractaient d’une manière effrayante, ses petits yeux noirs lançaient un feu sombre, sa lèvre supérieure exprimait le mépris et la fierté ; puis il reprenait son impassibilité avec l’apparence de la résignation. Nous restâmes longtemps à examiner cette scène ; personne ne nous vit, les esclaves de service dormaient, les braves défendeurs de la patrie étaient absorbés par le jeu, le moine par ses pensées. En nous retirant, nous causâmes, Althaus et moi, sur le malheur d’un pays livré à de pareils chefs.

— Althaus, ceux qui se laissent dominer par l’amour du jeu montrent assez qu’ils ont plus de confiance dans le hasard que dans leur ha-