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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/193

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dans la nuit, le venir chercher, le porter sur son lit, y mettre le feu, puis s’échapper pendant que les flammes brûleraient le cadavre et le tombeau. Ce ne fut que très longtemps après être entrée dans l’entreprise de sa maîtresse que la négresse put apporter le cadavre. Il eût été dangereux d’en demander à l’hôpital qui, au surplus, n’en eût donné qu’à des chirurgiens, et pour un usage indiqué, attendu qu’il n’y a pas d’école de médecine à Aréquipa. Il était presque impossible d’obtenir le corps d’une femme morte chez elle : aussi assure-t-on que, sans les bons offices d’un jeune chirurgien qui fut mis dans la confidence, la bonne amie de Dominga aurait achevé ses deux années de sœur portière avant que l’esclave eût pu se procurer le cadavre qui devait, dans le couvent, faire croire à la mort de sa maîtresse. Par une nuit sombre, la négresse surmonta ses terreurs en songeant à la récompense promise, et chargea, sur ses épaules, le cadavre d’une femme indienne, morte depuis trois jours. Arrivée à la porte du couvent, elle fit le signal convenu ; la portière, toute tremblante, ouvrit, et la négresse, en silence, déposa son fardeau dans le lieu que, du doigt, lui montrait la portière.