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qu’on ne prenait aucune précaution ; la même négligence régnait dans les avant-postes. Le mercredi 2 avril, tandis que les défenseurs de la patrie, profondément endormis, cuvaient le vin de la veille, on apprit tout à coup l’approche de l’ennemi. Tout le monde monta sur les maisons ; mais on avait été si souvent trompé par le général, qu’on n’ajoutait qu’une foi douteuse aux nouvelles qu’il annonçait.

Il était deux heures de l’après-midi, qu’excepté ce que l’imagination de chacun mettait dans le verre de sa longue-vue, on n’avait encore rien aperçu. On commençait à se fatiguer ; le soleil était brûlant ; un vent sec, tel qu’il en fait continuellement à Aréquipa, rendait la chaleur plus insupportable encore, et, balayant les toits des maisons, en soufflait la poussière au visage des spectateurs. La place n’était tenable que pour un observateur de mon intrépidité. En vain, mon oncle me criait-il de la cour que j’allais perdre les yeux par la réverbération du soleil, que j’attendrais inutilement, que San-Roman ne viendrait pas de la journée, je ne tenais nul compte de ses avis. Je m’étais arrangée sur le rebord du mur ; j’avais pris un grand parapluie rouge pour me garantir du soleil ; et,