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munie d’une longue-vue de Chevallier, je me trouvais très bien installée. Je m’étais laissée aller à mes rêveries en contemplant le volcan, la vallée, et ne songeais plus à San-Roman, quand je fus subitement rappelée à l’objet de l’attention générale par un nègre qui me criait : « Madame, les voici ! » J’entendis mon oncle monter ; et, braquant de suite ma longue-vue dans la direction que m’indiquait le nègre, je vis très distinctement deux lignes noires qui se dessinaient sur le haut de la montagne voisine du volcan. Ces deux lignes, minces comme un fil, se déroulaient dans le désert, décrivant tantôt une courbe, tantôt une autre, à mesure qu’elles avançaient, formant parfois des zigzags, mais sans jamais se rompre, ainsi que l’on voit des bandes d’oiseaux voyageurs varier à l’infini l’ordre de leur course, et présenter dans l’air des séries de points noirs.

En apercevant l’ennemi, toute la ville poussa un cri de joie. La position malheureuse dans laquelle le moine et Nieto avaient mis les habitants leur était insupportable, et, à tout prix, ils voulaient en sortir. Dans le camp de Nieto, grande aussi fut la joie ; officiers et soldats se remirent à boire de la chicha et à chanter des