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même sentiment n’eut qu’une voix ! De ces milliers de poitrines sortit un seul cri, vibrant d’une douloureuse expression ; j’en fus émue jusqu’aux larmes. Sans avoir besoin de tourner la tête vers le champ de bataille, je venais de comprendre qu’on tuait !… où qu’on allait tuer !… A ce cri de douleur succéda un silence de mort, et l’attitude des dômes, des clochers annonçait le plus haut degré d’attention. Tout à coup se fit entendre un second cri, et l’accent de celui-ci, le geste dont il fut accompagné me rassurèrent sur le sort des combattants. Je me retournai et vis les deux camps en grand mouvement. Je priai mon oncle de me laisser regarder dans sa longue-vue. J’aperçus des officiers courant d’un camp à l’autre et qui tiraient en l’air des coups de pistolet ; puis le général Nieto, suivi de ses officiers, qui allait à la rencontre d’un groupe d’officiers du camp ennemi : nous fûmes alors convaincus que l’armée de San-Roman venait de se rendre, et que tout allait s’arranger.

Comme nous étions à former des conjectures, Althaus entra dans la cour de toute la vitesse de son cheval, en criant à tue-tête : « Hé là