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mais bien pour ce malheureux pays où il se trouve autant de ces hommes cupides, d’une atroce perversité, qui, sous des prétextes politiques, provoquent continuellement les dissensions, afin d’avoir, dans la guerre civile, l’occasion de piller leurs concitoyens. Quand je sortis de cette pieuse invocation, je portai mes regards dans la direction de la pacheta ; le nuage de poussière s’était dissipé ; le chemin du désert avait repris sa tristesse accoutumée.

Vers une heure et demie, commencèrent à arriver les blessés. Ah ! ce furent alors des scènes déchirantes. Il se rassembla, à l’angle de notre maison, plus de cent femmes ; elles attendaient ces malheureux au passage, tourmentées par la crainte de reconnaître parmi eux leur fils, leur mari ou leur frère. La vue de chaque blessé provoquait, chez ces femmes, un tel excès de désespoir, que leurs gémissements, leurs atroces angoisses me torturaient. Ce que je souffris, ce jour-là, est effroyable !…

Nous étions tous inquiets sur Althaus, Emmanuel, Crevoisier, Cuello et autres ; nous ne concevions pas pourquoi le général ne venait pas occuper la ville pour la défendre, ainsi que le plan en avait été arrêté, dans le cas où l’on