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placent leur bonheur en dehors d’eux-mêmes. Les Goyenèche n’avaient jamais été heureux sur des tas d’or, et la perte d’une partie de leurs richesses bouleversait leurs facultés intellectuelles. Mademoiselle de Goyenèche, dona Marequita, avait été si vivement affectée par les extorsions commises envers eux tous, par les outrages, les diatribes dirigés contre l’évêque, qu’elle aimait tendrement, que sa santé en avait été profondément atteinte et sa raison aliénée. Ses yeux étaient fixes, hagards ; ses gestes brusques ; les sons saccadés de sa voix ne s’accordaient pas avec le sens des paroles ; sa physionomie avait une expression étrange ; c’était une glace fausse, réfléchissant à rebours les objets extérieurs ; elle parlait avec une telle volubilité, qu’à peine pouvait-on comprendre ce qu’elle disait ; on aurait cru qu’elle rêvait. Je m’aperçus qu’elle méconnaissait les personnes à qui elle parlait : elle nommait mon oncle dona Florita, et moi don Pio ou don Juan ; son exaltation était effrayante. Je dis tout bas à mon oncle : Cette pauvre fille est folle. — Il paraît que oui ; on me l’avait dit, mais je m’étais refusé à le croire. La folie de l’évêque avait un caractère différent de celle de sa sœur ; il paraissait