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Ces visites me mirent à même de juger de l’étendue des maux que la guerre avait causés à cette malheureuse cité. Dans chaque maison, je vis des habits de deuil et couler des larmes. Toutefois, j’estimai pires que les pertes occasionnées par la mort la discorde et la haine que les dissentions civiles avaient fait naître au sein des familles. C’étaient des inimitiés profondes entre parents, entre frères ; la liberté ne figurait pour rien dans ces débats politiques : chacun s’était rangé dans le parti du chef duquel il espérait davantage. Les épithètes de gamarriste, d’orbégosite distinguaient les deux camps entre lesquels les familles se divisaient. La méfiance régnait partout, et l’on cherchait mutuellement à se nuire. Ces pauvres Aréquipéniens enviaient mon sort : — Ah ! mademoiselle, me disait-on dans chaque maison, que vous êtes heureuse de quitter un pays où les frères s’entr’égorgent ; où les exactions des amis nous réduisent à la paille et compromettent notre vie, en nous mettant dans l’impossibilité de satisfaire aux exigences des ennemis !

Lorsque j’allai faire mes adieux à la famille de l’évêque, j’eus un exemple frappant des malheurs auxquels sont exposés les insensés qui