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En entrant chez Gamio, nous vîmes dans le grand salon un groupe d’officiers debout, qui gesticulaient et parlaient très haut ; aussitôt qu’ils nous aperçurent, ils se retirèrent avec précipitation dans la pièce voisine. Je voulus les suivre, afin de surprendre le général vainqueur tout droit sur ses deux jambes ; mais mon oncle devina mon intention maligne, et me retint en me disant : — Attendez qu’on nous annonce.

Deux ou trois de ces messieurs vinrent au devant de moi, et me dirent : — Señorita, le général est très flatté de votre visite ; il va heureusement un peu mieux ; vous allez le trouver étendu sur un canapé. J’entrai dans la chambre à coucher de madame Gamio ; San-Roman s’excusa de ne pouvoir se lever pour me recevoir. Il n’était pas couché, mais seulement assis, la jambe allongée sur un tabouret. Ce San-Roman, si redouté des Aréquipéniens, n’avait rien dans sa personne de très redoutable : il avait environ trente ans ; sa physionomie était ouverte, gaie ; mais ses cheveux, sa barbe et la couleur de sa peau dénotaient qu’il avait du sang indien dans les veines, ce qui le rendait très laid aux yeux des Péruviens de race espagnole.