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avaient séjourné à Paris plusieurs années. Ces messieurs, toujours en habit de ville, étaient remarquables par leur mise d’une propreté exquise et d’une élégante simplicité. Le commandant était un homme superbe, d’une beauté idéale. Il n’avait que trente-deux ans ; néanmoins une profonde mélancolie pesait sur lui : ses actions, ses paroles avaient une teinte de tristesse qui faisait mal. J’en demandai la cause à un de ses officiers, qui me dit   : — Ah ! oui, mademoiselle, sa tristesse est bien grande ; mais le chagrin qui la produit est aussi le plus douloureux de ce monde. Depuis sept ans il est marié avec la plus belle femme d’Angleterre ; il l’aime éperdument, en est également aimé, et toutefois il doit vivre séparé d’elle.

— Qui donc lui impose cette séparation ?

— Son état de marin. Comme il est un des plus jeunes capitaines de frégate, il est constamment envoyé dans des stations éloignées, de trois ou quatre ans de durée. Il y a trois ans que nous sommes dans ces parages, et nous ne serons en Angleterre que dans quinze mois. Jugez de la peine cruelle qu’une aussi longue absence doit lui faire éprouver !…