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regardent jamais en face. Elle me recherchait par cet intérêt que devait naturellement inspirer une parente étrangère, née à trois mille lieues, dont on ignorait l’existence, et qui surgit tout à coup. Je trouvais en elle des ressources immenses pour m’instruire dans tout ce que je désirais savoir. Le caractère de son esprit ressemble à celui de madame Denuelle ; elle possède une grande intelligence, et le sarcasme est toujours sur ses lèvres. Ce fut elle, en grande partie, qui me servit de cicerone ; sa beauté, le nom de mon oncle et mon titre d’étrangère nous faisaient ouvrir toutes les portes avec empressement. Je passais des journées entières avec elle ; j’étais toujours charmée de son esprit, mais peinée de l’insensibilité de son cœur. Lima est encore une ville toute sensuelle ; les mœurs en ont été formées sous l’influence d’autres institutions : l’esprit et la beauté s’y disputent l’empire : c’est comme à Paris sous la régence ou Louis XV. Les sentiments généreux, les vertus privées ne sauraient naître lorsqu’ils ne mènent à rien ; et l’instruction primaire n’est pas assez répandue pour que les hautes classes aient beaucoup à redouter de la liberté de la presse.