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générosité de mon oncle, rien des reproches de sa conscience ; je lui écrivis la lettre suivante :


À don Pio de Tristan.

« Cette lettre est destinée à la famille : je vous l’adresse à vous, mon oncle, comme en étant le chef, et vous prie de vouloir bien la traduire fidèlement à ceux de ses membres qui ne comprennent pas le français.

« J’étais venue auprès de vous, mon oncle, plutôt pour y chercher une affection paternelle, une protection bienveillante que pour me faire rendre des comptes. J’ai été déçue dans mes espérances. Armé de la lettre de la loi, sans en éprouver aucune émotion, vous m’avez arraché pièce à pièce tous les titres qui m’unissaient à la famille au sein de laquelle je venais me réfugier. Vous n’avez pas été retenu par le respect pour la mémoire d’un frère que vous avez chéri : nulle pitié ne vous a parlé en faveur d’une victime innocente de la coupable négligence des auteurs de ses jours. Vous m’avez repoussée et traitée comme une étrangère. Mon oncle, de pareils actes ne peuvent être jugés que par Dieu…

« Si, dans le premier mouvement de ma juste indignation, j’ai voulu porter devant le tribunal des hommes le hideux spectacle de ces iniquités, après quelques jours de réflexion j’ai senti que mes forces affaiblies depuis longtemps ne me permettraient pas de supporter l’horrible douleur que me causerait le scandale d’un tel procès. Je sais, mon oncle, que cette considération n’agit pas de même sur tous les individus, et qu’il est des personnes dont le cœur, fermé à tout sentiment no-