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sacré, et que les lois sanctionnent ou du moins tolèrent. Une Liménienne déjeune le matin, avec son mari, en petit peignoir à la française, ses cheveux retroussés absolument comme nos dames de Paris ; a-t-elle envie de sortir, elle passe sa saya sans corset (la ceinture de dessous serrant la taille suffisamment), laisse tomber ses cheveux, se tape[1], c’est à dire se cache la figure avec le manto, et sort pour aller où elle veut…   ; elle rencontre son mari dans la rue, qui ne la reconnaît pas[2], l’agace de l’œil, lui fait des mines, le provoque de propos, entre en grande conversation, se fait offrir des glaces, des fruits, des gâteaux, lui donne un rendez-vous, le quitte et entame aussitôt un autre entretien avec un officier qui passe ; elle peut pousser aussi loin qu’elle le désire cette nouvelle aventure, sans jamais quitter son manto ; elle va voir ses amies, fait un tour de promenade et rentre dans sa maison pour dîner. Son mari ne s’enquiert pas où elle est allée, car il sait parfaitement que, si elle a intérêt à lui

  1. Tapada veut dire se cacher la figure avec le manto.
  2. Plusieurs maris m’ont assuré ne point reconnaître leurs femmes lorsqu’ils les rencontraient.