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madame de la Riva-Aguero, et qui était, depuis six mois, chez madame Denuelle. Ce qu’on me raconta de madame de la Riva-Aguero me donna envie de la connaître, et je lui écrivis pour lui en demander la permission. Elle vint le soir même, resta longtemps à causer avec moi ; elle parle français comme une Française, et sa conversation annonce qu’elle était née avec un caractère gai, vif et plein de fierté. Sa grossesse la rendait souffrante, et son expression avait quelque chose d’angélique. En se retirant, elle me prit la main avec affection et me dit : « Venez me voir, chère demoiselle, j’aurais bien du plaisir à causer avec vous de l’Europe, de ce beau pays où vous allez retourner ; la vie que je mène ici est bien monotone ; cependant je ne m’en plains pas : mes enfants, mes chers enfants me tiennent lieu de tout. » Je considérai avec un saint respect cette femme d’une vertu si rare, victime comme moi des cruels préjugés auxquels se soumet encore l’espèce moutonnière, après en avoir reconnu l’absurdité. Pendant ma résidence à Lima, j’allais très souvent voir cette dame ; quelques personnes venaient, parfois le soir, prendre le thé avec nous.