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gnoles, relatives aux esclaves, sont beaucoup plus humaines que celles d’aucune autre nation. Chez vous, le nègre n’est pas simplement une chose, c’est un co-religionnaire, et l’influence des croyances religieuses lui procure quelques adoucissements ; mais le vice radical, la perpétuité de cet esclavage, subsiste chez vous comme dans nos colonies ; car il est impossible à l’esclave, avec la continuité de travail qu’on exige de lui, de pouvoir jamais user de la faculté de se racheter. Si les produits dus en Amérique au travail des nègres perdaient de leur valeur, je suis sûre que l’esclavage y subirait d’heureuses modifications.

— Comment cela, mademoiselle ?

— Si le prix auquel se vend le sucre, comparé à la valeur du travail qu’il exige, était dans le même rapport que les produits d’Europe, comparés à leurs frais de production, le maître, n’ayant alors aucune compensation pour la perte de son esclave, ne le forcerait pas de travail et veillerait davantage à sa conservation. Supposez que le blé, en Russie, valût 6 à 8 piastres les 100 livres, comme le sucre vaut ici et dans nos colonies, croyez-vous qu’alors le seigneur russe se contenterait d’entrer en partage avec son esclave ?… Non vraiment. Il le tourmenterait