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torture morale qui doit suffire pour leur faire prendre la vie en horreur.

— Mademoiselle, vous parlez des nègres comme une personne qui ne les connaît que d’après les beaux discours de vos philanthropes de tribune ; mais il est malheureusement trop vrai qu’on ne peut les faire aller qu’avec le fouet.

— S’il en est ainsi, monsieur, je vous avoue que je fais des vœux pour la ruine des sucreries, et je crois que mes vœux seront bientôt exaucés. Encore quelques années, et la betterave détrônera la canne.

— Oh ! mademoiselle, si vous n’avez pas d’ennemi plus dangereux à nous opposer…, c’est une plaisanterie que vos betteraves. Cette racine est tout au plus bonne à adoucir le lait des vaches en hiver lorsqu’elles sont nourries au sec.

— Riez, riez, monsieur ! mais, avec cette racine dont vous faites fi, nous pourrions déjà, en France, nous passer de votre canne. Le sucre de betteraves est aussi bon que le vôtre, il a de plus le suprême mérite, à mes yeux, de faire baisser le sucre des colonies ; et j’en suis convaincue, c’est de cette circonstance seule que peut résulter l’amélioration du sort des nègres,