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tous ces êtres ont des yeux, des oreilles, un palais, mais pas d’ame où répondent la vue, les sons et le goût. Je n’ai jamais senti un vide plus complet, une aridité plus accablante que pendant les deux mois que je suis restée à Lima.

L’impatience où j’étais de retourner en Europe, que j’appréciais et aimais bien davantage depuis que je l’avais quittée, me fit hésiter un instant à aller à Valparaiso, où j’espérais trouver un navire prêt à mettre à la voile pour Bordeaux ; mais j’abandonnai bientôt ce projet par la presque certitude de rencontrer Chabrié au Chili : je supportai donc avec résignation les dépenses et le désagrément de mon séjour à Lima.

Je fus néanmoins longtemps avant de me résoudre à arrêter mon passage, non que je redoutasse beaucoup la mauvaise nourriture à bord d’un navire marchand anglais, mais parce que je désirais ardemment de m’en retourner par l’Amérique du nord. C’était un voyage bien pénible ; M. Briet, qui l’avait fait, faillit y succomber de fatigue : cependant je me sentais la force de l’entreprendre et l’eusse entrepris, si j’avais eu l’argent nécessaire pour subvenir aux frais de la route. J’avoue que j’en ressentis un vif chagrin. J’écrivis à mon oncle, lui manifes-