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mais avec la colère et le mépris de l’orgueil offensé.

— Eh ! qu’ai-je besoin de votre amour ? leur disait-elle avec son ton brusque et saccadé ; ce sont vos bras, vos bras seuls qu’il me faut ; allez porter vos soupirs, vos paroles sentimentales, vos romances aux jeunes filles ; je ne suis sensible, moi, qu’aux soupirs du canon, aux paroles du congrès et aux acclamations du peuple quand je passe dans les rues. Le cœur de ceux qui l’aimaient avec sincérité était profondément blessé par la rudesse d’un tel langage ; et la fierté des ambitieux qui aspiraient à se traîner à sa remorque n’en était pas moins humiliée. Mais elle ne s’en tenait pas là : elle les prenait en haine, leur retirait sa confiance et saisissait toutes les occasions de les railler, même en public, de la manière la plus offensante : on sent que cette conduite devait non seulement lui faire perdre tous les avantages de son sexe, mais encore lui susciter des ennemis implacables et qui durent être nombreux ; car les hommes croient toujours avoir, pour réussir, des qualités que n’avaient pas ceux qui ont échoué. Chacun d’eux méditait perpétuellement contre elle des projets de vengeance ; plusieurs dirent tout haut qu’ils avaient été ses