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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/91

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auxquelles ils avaient droit sur son énorme revenu, mais encore il commettait journellement des actes de la plus révoltante dureté. Une pauvre veuve, dénuée de toutes ressources, en proie à la maladie et se débattant avec la misère, venait-elle lui demander des secours, l’évêque lui faisait remettre un réal (14 sous) : un père de famille se cassait-il un membre, il lui envoyait une aumône d’égale valeur. Une dame pauvre, de très bonne maison, ayant perdu sa fille qu’elle aimait tendrement, alla un jour chez l’évêque le prier de lui donner trois piastres (15 francs) qui lui manquaient pour élever une modeste pierre sur le tombeau de son enfant ; l’évêque les lui refusa !… Lorsque ma grand’mère mourut, les pauvres, qui tous suivirent le convoi jusqu’au cimetière, répétaient en pleurant : « Nous perdons là une femme qui nous donnait plus en un mois que l’évêque dans toute l’année. » Cette hideuse avarice a attiré sur lui et sa maison le mépris public à tel point, qu’il est devenu proverbial de dire, lorsque quelqu’un commet une ladrerie, c’est à la Goyenèche. Mais si son extrême avarice le prive de l’estime et de l’affection, toute la famille s’est appliquée, par des dehors pleins d’affabilité, de politesse et de mo-