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RICHE OU AIMÉE ?

pour lui adoucir, autant qu’il était en son pouvoir, une existence déjà si changée, ne regardant pas au sacrifice qu’il s’imposait pour cela, et ne semblant pas prévoir que, le peu de fortune qui lui restait une fois englouti, sa position et celle de sa mère deviendraient encore plus difficiles. On eût pu croire qu’il avait eu la prescience de l’avenir, car l’effort qu’il fit ne fut pas de longue durée. Sa pauvre mère, frappée en plein cœur par cette désillusion terrible, ne lui survécut que trois ans.

C’était une sorte de pèlerinage qu’André, chaque année, faisait, pendant son congé d’automne, au tombeau de sa mère et aux lieux témoins de ses derniers moments. Aussi, en en parlant à Mme de Vauteur, eut-il un accent un peu triste et presque attendri qui contrastait avec le ton enjoué, spirituel et légèrement railleur de sa conversation.

Mme de Vauteur l’observait toujours.

— Vous ne vous décidez pas à vendre Rochedur ? fit-elle, lorsqu’il eut fini le récit de son séjour là-bas.

— Non, dit André sérieusement, je ne m’y décide pas ; d’abord, j’aime ce vieux castel, tout détérioré et délabré qu’il soit. Si j’y passais quinze jours, j’y périrais d’ennui, mais je me plais à penser qu’il m’appartient, que j’ai un toit, à moi, où reposer ma tête.

— Si vous le vendiez, vous pourriez, avec son prix, en avoir un autre ailleurs, plus dans vos goûts, peut-être ?

— Si je le vendais ! Voyez-vous, ma chère tante, je ne veux pas faire près de vous le héros de roman, en paraissant tenir si fort à ce bien de famille. J’y suis attaché, c’est vrai ; mais, quelquefois, nécessité fait loi, et si la vente de ce domaine devait me fournir une somme en rapport avec la peine que j’aurais à le quitter, je laisserais saigner mon cœur, tout bonnement, et je m’en déferais. Seulement, je n’ai pas d’illusion : je ne trouverais pas d’acquéreur. Qui consentirait à habiter ce pays perdu ; sauvage, superbe, tant que vous voudrez, mais à vingt kilomètres d’une gare de chemin de fer ? qui ? Un paysan enrichi, désireux de conclure une bonne affaire, m’en