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RICHE OU AIMÉE ?

toute particulière l’eût fait partout remarquer, et il avait cette désinvolture un peu crâne et charmante de l’officier en civil, qu’on ne saurait bien définir ; mais qui fait, de suite, deviner l’habitude de l’uniforme.

André de Chateaublon, en effet, était lieutenant de chasseurs à cheval, actuellement en garnison à Melun.

Comme sa tante le lui demandait, il lui raconta son voyage en Bretagne, où il était retourné quelques jours, dans le vieux domaine de sa famille, inhabité maintenant, car le jeune homme était orphelin. Sa mère, unique sœur de M. de Vauteur, morte quatre ans auparavant, l’avait laissé seul dans la vie ; heureusement, il était déjà d’âge et de taille à se défendre contre elle. C’était un vaillant, un résolu, et un joyeux surtout, don inestimable pour supporter la bonne et la mauvaise fortune, et celle d’André n’avait pas toujours été couleur de rose. Sa mère était riche, son père peut-être un peu moins, mais, en tout cas, leurs avoirs réunis montaient à un chiffre respectable. Par malheur, ce chiffre, M. Arthur de Chateaublon ne l’avait pas trouvé assez élevé, il avait voulu l’augmenter et s’était lancé dans des spéculations financières qui avaient englouti tout son patrimoine et celui de sa femme. Elle ignorait, comme tout le monde, l’état des affaires de son mari ; à sa mort prématurée, une liquidation désastreuse le lui révéla. Ce fut pour elle une catastrophe dont elle ne se releva point ; le coup mortel lui fut porté le jour où, se croyant sinon riche, du moins dans une grande aisance, elle se réveilla ruinée et vit son fils, son cher André, la joie et l’orgueil de sa vie, absolument pauvre. Lui, prit la chose plus courageusement et même, avec un peu de l’insouciance d’une jeunesse qui sait pouvoir se suffire. Il se préoccupa uniquement et très généreusement d’atténuer à sa mère cette secousse dont il redoutait le funeste résultat, et consacra à cela, sant qu’elle s’en doutât, ses dernières ressources. Obligée de quitter Paris, où elle avait passé sa vie, elle se retira dans son petit château de Bretagne, vrai nid de hiboux, disait André en riant. Là, son fils fit de son mieux