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RICHE OU AIMÉE ?

du bois qu’il y ramasse ou de la futaie qu’il y coupe. Vous voyez, ma tante, que je ne suis pas un grand capitaliste.

— Votre petit avoir est-il bien placé, au moins ?

— À merveille, ma tante ; valeurs de tout repos, placements de père de famille : obligations de chemins de fer et rente française.

— C’est sûr, il est vrai, mais cela donne bien peu. Vous pourriez peut-être, avec de bons conseils, faire rapporter davantage à votre fortune et par là arriver à des économies qui l’augmenteraient.

— Oh ! que non, ma tante, je n’essaierai pas cela, je suis payé pour avoir peur des entreprises, même de celles dites à coup sûr. L’Union générale et tutti quanti ont pris à mon père près de dix-huit cent mille francs, je trouve que c’est assez payer sa quote-part à la spéculation moderne et française. Si mon pauvre père, — que je n’accuse pas, grand Dieu ! car je n’ai jamais suspecté l’excellence de ses intentions, — n’avait pas eu ce rêve constant de s’enrichir, je n’en serais pas aujourd’hui où j’en suis et, surtout, ma pauvre mère ne serait pas morte dans une quasi-misère dont tous mes efforts et mes désirs n’ont pu suffisamment lui atténuer l’amertume pour l’empêcher d’en périr de chagrin.

— Vous avez pourtant rempli ce devoir, et au delà, André.

— Pas au delà, non : j’ai fait ce que je pouvais, ce que je devais, sans plus ; par malheur, je n’ai pas réussi. C’est là le seul chagrin de ma vie ; je ne reviens pas sur le passé, je me contente du présent, et je regarde l’avenir.

— Et vous en augurez bien ?

— Franchement, oui ; j’espère, sous le rapport pécuniaire, des jours meilleurs.

— Vous êtes un officier d’avenir, on me l’a dit.

— Ah bien ! si je compte là-dessus pour arriver à la fortune, fit André en riant, j’attendrai longtemps ! Non, ma tante, tel n’est pas mon plan ; j’ai le désir et l’espoir, non pas seulement de mourir dans la peau d’un millionnaire, mais d’y vivre