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RICHE OU AIMÉE ?

entrait dans la cour d’honneur ; c’était celle de la douairière, ramenant de la gare Mme et Mlle de Lacourselle. Lorsqu’elle s’arrêta au perron. André laissa sa tante s’avancer seule au-devant de ses visiteuses et, prenant une revue, la feuilleta d’un air dégagé ; mais, sournoisement, il s’approcha de la fenêtre et plongea au dehors un œil curieux.

Il vit d’abord sortir de la voiture, aidée par le valet de pied, une femme d’environ cinquante ans dont les cheveux prenaient cette teinte jaunâtre que revêtent certaines blondes avant de tourner résolument au gris. Sa toilette, très modeste, était de bon goût, et, sous la fatigue évidente du teint, ses traits corrects disaient qu’elle avait dû être jolie. Elle serra avec un empressement un peu affecté la main de Mme de Vauteur, dont la lèvre se relevait d’un coin en un petit pli ironique qui lui était familier, mais, pour ceux qui la connaissaient bien, ne présageait rien de bon. André remarquait cette scène en observateur lorsque son attention fut détournée par la jeune fille qui, derrière sa mère, se précipita en bas de la voiture.

— Mâtin ! murmura-t-il.

Mlle de Lacourselle avait vingt-deux ans ; elle était petite, mignonne de formes, sans être grêle, ses cheveux bruns frisaient naturellement autour de son visage mutin, délicieusement éclairé par des yeux noirs superbes, et égayé par le sourire perpétuel d’une bouche ravissante de dessin, de nuance et de forme ; ses petites dents, blanches et aiguës, éclatantes dans la pulpe rouge des gencives semblaient toutes prêtes à mordre et, à examiner la malice de l’expression de la jeune tille, on eût pu avoir peur, si la douceur pénétrante du regard n’était venue vous rassurer.

Telle quelle, c’était bien, — Mme de Vauteur avait dit le mot, — une petite merveille que cette jolie créature, et du premier regard elle produisit sur André une vive impression. C’était à son tour d’embrasser sa tante, elle le fit avec le naturel qui avait manqué à l’accolade de Mme de Lacourselle, et André remarqua, voyant leurs deux visages l’un près de l’autre, que le même sourire, un peu mo-