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RICHE OU AIMÉE ?

la beauté vient en dernier. C’est fort inutile d’être joii garçon si l’on n’a pas cent mille francs de rente ?

— Absolument, répliqua Gisèle en riant, à mes yeux, du moins.

— Ce n’est pas la peine, non plus, lorsqu’on est aussi bien doué de par dame Fortune, de songer à se marier en ses jeunes années, il est permis d’attendre l’heure des rhumatismes et des cheveux blancs, on est sûr de trouver quand même bon accueil auprès des jeunes et jolies filles.

— Assurément, fit encore Gisèle, surtout auprès de celles qui ont la vocation d’être gardes-malades.

— Il est aussi admis qu’on peut être grincheux, emporté, avare, jaloux ?

— Oh ! fit Gisèle, vous allez bien loin, et j’espère ne pas pousser jusque-là les concessions.

— Mais enfin, s’il le fallait ?

— Cela dépendrait des compensations.

— Allons, fit André, un peu amer malgré lui, je vois, mademoiselle, que votre éducation est parfaite de tous points, selon la méthode « fin-de-siècle ».

Et remarquant que cette riposte un peu dure, détonnant avec le tour joyeux et plaisant de l’entretien, avait amené un nuage sur le front de Gisèle, il reprit vivement :

— Je vous raille, dit-il, ou plutôt je semble vous railler ; j’ai tort, car mes idées et mes projets sont identiquement pareils aux vôtres. Moi aussi je suis sans fortune, à moi aussi cette pauvreté pèse, surtout en perspective de l’avenir, et, comme vous, je suis résolu à en sortir. Ma carrière ne m’en donnera pas assez le rapide moyen, c’est au mariage que je le demanderai.

Et, sans voir l’impression de surprise pénible qui se répandit sur les traits mobiles de Gisèle, il poursuivit :

— Oui, je rêve, s’il est permis d’appliquer ce mot à la plus prosaïque réalité, je rêve d’épouser une riche héritière. Seulement, je suis moins humble que vous, mademoiselle Gisèle, je n’entends faire le sacrifice ni de la jeunesse, ni du cœur, ni de l’esprit ; à peine celui de la beauté ! Par exemple, je suis d’avance résolu à ne point